jeudi, janvier 31, 2008

L'histoire de la chasse à la baleine au Japon - 5

J'ai précédemment évoqué que les kujiragumi allaient progressivement disparaître à partir du milieu du 19e siècle du fait de la diminution brutale du nombre de baleines approchant les côtes japonaises. La raréfaction des baleines est probablement due au fait que le nombre de baleiniers occidentaux opérant au large du Japon a considérablement augmenté à cette époque.

En effet, après l'ouverture de la route du Pacifique à la fin du 18e siècle, les baleiniers américains et européens vont petit à petit étendre leurs activités à cet océan et atteindre les eaux au large de l'archipel nippon en 1820. La richesse de cette zone en ressources baleinières va lui valoir le nom de "Japan Grounds". Les Yankee Whalers y chassent principalement les cachalots et baleines franches. Cependant, l'absence de port de ravitaillement dans cette zone va amener les baleiniers occidentaux à essayer d'obtenir eau et bois auprès de ports japonais, et se voir chassés par les autorités locales. L'envoi de navires de guerre américains commandés par le commodore Matthew C. Perry pour obtenir l'ouverture de ports par le shogounat d'Edo en 1853 a été semble-t'il partiellement motivé par les besoins des baleiniers américains.

Comme je l'ai expliqué avant, l'organisation des kujiragumi nécessitait la gestion d'une importante main d'œuvre et reposait donc sur un équilibre précaire qui pouvait amener le groupe à la faillite au moindre bouleversement dans les conditions sociales ou écologiques. Nombreux sont les cas de kujiragumi ayant disparu avant même de finir une saison de chasse, et même les plus importants ont dû faire appel à des capitaux extérieurs, provenant souvent des seigneurs locaux, pour se sortir de situations délicates.

Face à cette crise, les dirigeants des kujiragumi vont tenter par différents moyens de donner une seconde vie à leur tradition. La première voie consistera à s’installer dans des régions où la chasse à la baleine n’a pas encore été introduite, en particulier dans le nord de l’archipel. Par exemple, Daigo Shinbê, qui organise la chasse à la baleine à Katsuyama (sud de la péninsule d'Awa - actuellement département de Chiba), sera ammené à introduire cette pratique en Hokkaidô. Néanmoins les chasseurs vont se heurter à deux problèmes de taille : l’opposition des pêcheurs de ces régions qui considèrent que les baleines sont des incarnations du dieu Ebisu ; et le fait que les embarcations utilisées dans le sud-ouest du Japon ne sont généralement pas adaptées aux conditions maritimes du nord.

L’autre piste est celle de l’amélioration des techniques de chasse. Ainsi des filets plus grands vont faire leur apparition dans la région du Saikai puis dans la province de Tosa à partir des années 1850. Ces grands filets sont utilisés dans des zones où la mer est plus profonde et sont destinés à permettre la capture des baleinoptères à la place des baleines franches qui sont devenues rares. De même, dans les années 1870-1880, les chasseurs japonais vont essayer d’intégrer l’utilisation de canons projetant des harpons explosifs, appelés bomb-lance et développés par les Anglais et Américains, à leurs méthodes de chasse traditionnelles. Ces armes étant cependant dangereuses et difficiles à employer, leur introduction n’aura que peu d’effet.

Malgré les succès plus ou moins grands de ces tentatives d’adaptation des méthodes de chasse au filet, celle-ci reste limitée par son aspect passif et les kujiragumi vont progressivement disparaître dans la seconde moitié du XIXe siècle. La fin de ces groupes de chasse est notamment marquée par la tragédie qui s’est produite le 24 décembre 1878 et lors de laquelle plus d'une centaine de membres du kujiragumi de Taiji ont péri dans une tempête de mer en tentant de capturer une baleine franche accompagnée de son petit.

La deuxième moitié du 19e siècle est également marquée par des tentatives d'introduction des méthodes de chasse baleinières dites "américaines". La plus notable est celle de Nakahama Manjirô 中浜万次郎, également connu sous le nom de John Manjirô, qui fut sauvé par un baleinier américain après un naufrage. Fort de l'expérience et des connaissances qu'il a acquises lors de ses années aux Etats-Unis et de plusieurs campagnes de chasse à la baleine, Manjirô va entreprendre en 1863 une expédition de chasse à la baleine au large des îles Ogasawara en embauchant des harponneurs occidentaux et grâce à un baleinier appartenant à un seigneur de la province d’Echigo, Hirano Renzô 平野廉蔵. Malgré la capture de deux cachalots, les techniques de chasse américaines ne prendront pas racine au Japon et il faudra attendre la fin du 19e siècle et l'apparition du canon lance-harpons pour que la chasse à la baleine reprenne son essor dans ce pays.

A suivre...
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samedi, janvier 26, 2008

Documentaire : Une nuance de baleine plus verte ?

Je viens de trouver un documentaire réalisé en 2001 par Michael Heazle sur la Commission baleinière internationale (CBI), "A Greener Shade of Whale ?". Il me semble bien expliquer l'évolution de la gestion de la chasse à la baleine à travers le 20e siècle et l'actuelle impasse dans laquelle se trouve cette organisation internationale.

Le documentaire est en anglais et dure environ 52 minutes.



Liste des intervenants (dans l'ordre d'apparition):
Cassandra Phillips - Conseillère politique WWF
Richard Cowan - Commissaire du Royaume-Uni à la CBI
Pr. Doug Butterworth - Membre du comité scientifique de la CBI / Université du Cap
Dr. John Hutton - Université de Cambridge / Directeur du Africa Resources Trust
Ben White - Animal Welfare Institute
Tokuko Onishi - Restauratrice à Osaka
Iwao Isone - Proprétaire de bateau de chasse côtière aux petits cétacés à Taiji
Ray Gambell - Ancien secrétaire et membre du comité scientifique de la CBI
Greg Donovan - Editeur scientifique de la CBI
Justin Cooke - Membre du comité scientifique de la CBI et représentant de l'Union mondiale pour la conservation
Thomas Althuas - Commissaire de la Suisse à la CBI
Michael Canny - Commissaire de l'Eire à la CBI
Joji Morishita - Directeur délégué de la division des pêches pélagiques du Japon
Jim McLay - Commissaire assistant de la Nouvelle Zélande à la CBI
Pr. Lars Walløe - Membre du comité scientifique de la CBI / Université d'Oslo
Dr. Sydney Holt - Ancien membre du comité scientifique de la CBI / conseiller IFAW
Pr. William Aron - Ancien commissaire des Etats-Unis et membre du comité scientifique de la CBI
Dr. John Bannister - Membre du comité scientifique de la CBI et ancien directeur du Western Australia Museum
Dan Goodman - Conseiller à l'Institut japonais de recherche sur les cétacés et ancien conseiller au ministère canadien des Pêches et des Océans
Robert Hill - Ministre australien de l'Environnement et du Patrimoine
Stefan Asmundsson - Commissaire de l'Islande à la CBI
Eugène Lapointe - Ancien secrétaire général de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction)
Dr. Seiji Ohsumi - Membre du comité scientifique de la CBI et directeur général de l'Institut japonais de recherche sur les cétacés
Frank Future - Cetaceans Australia
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mardi, janvier 15, 2008

Sea Shepherd aborde illégalement un navire japonais

Depuis quelques jours, le navire de Greenpeace, l'Esperanza poursuit le navire-usine japonais, le Nisshin-maru. Bien que l'ONG se félicite d'avoir "chassé" le navire japonais hors de la zone de recherche, il semble que la poursuite menée à toute allure depuis trois jours coûte beaucoup en carburant à l'Esperanza et que ce dernier risque d'être forcé de se diriger vers le port le plus proche pour ravitailler.

Aujourd'hui, la Cour fédérale australienne a émis une injonction ordonnant aux navires de la compagnie japonaise Kyôdô Senpaku de cesser immédiatement ces activités dans le sanctuaire baleinier australien. Cette action a été initiée par l'ONG Human Society International (HSI). Le sanctuaire australien dont il est question a été créé en 2000 et certains pensent qu'il s'étend aux eaux se trouvant à 200 miles nautiques du territoire en Antarctique que l'Australie revendique.
Toutefois, le Traité pour l'Antarctique (1961), signé par l'Australie et le Japon entre autres, gêle les revendications territoriales sur cette partie de la planète. Le Japon ne reconnaissant pas les revendications australiennes, ils n'est pas touché par ce sanctuaire.
Par conséquent, cette injonction n'a aucune validité hors du territoire australien et n'est donc que symbolique. En fait, elle met plutôt le gouvernement australien sous pression, puisqu'il ne peut en aucun cas la mettre en pratique.
(Concernant le sanctuaire de l'océan Austral adopté par la CBI en 1994, le Japon a déposé une objection à l'encontre de cette mesure et n'est donc pas touché par celle-ci)

Il y a quelques heures, l'ONG extrémiste Sea Shepherd, déjà responsable d'actions dangereuses l'année dernière, a annoncé avoir découvert les autres navires de la flotte de recherche japonaise. Des zodiacs ont visiblement été lancé depuis le Steve Irwin, le bateau de Sea Shepherd, pour endommager l'hélice de l'un des baleiniers japonais, le Yûshin-maru No.2.
A ce moment, deux activistes de cette ONG, un Britannique et un Australien sont apparemment monté illégalement sur le navire japonais, et ont par conséquent été arrêté par les marins du Yûshin-maru No.2.
La version du président de Sea Shepherd, le Canadien Paul Watson, fait état de deux de ses membres d'équipage étant retenus en otages par les Japonais, mais de toute évidence, la responsabilité incombe aux gens de cette ONG.

Je tiendrai cette article à jour au fur et à mesure que les conséquences de cet abordage s'éclaircissent.

Mise à jour (15 janvier 2008, 22h30 heure japonaise) :
L'Institut japonais de recherche sur les cétacés (ICR) qui conduit le programme de recherche scientifique dans l'Antarctique (JARPA2) vient juste de publier un communiqué de presse et des photos de l'incident sur son site. Il y est également expliqué que les deux activistes de Sea Shepherd ont lancé des bouteilles de verre contenant de l'acide butyrique ainsi qu'une autre substance non encore identifiée.
Contrairement à ce que Paul Watson a déclaré, les deux hommes sont gardés à vue dans un bureau du Yûshin-maru No.2, et non ligoté au mât du navire japonais.

Mise à jour 2 (17 janvier 2008, 18h00 heure japonaise) :
Concernant les deux activistes de Sea Shepherd qui sont monté illégalement sur le baleinier japonais Yûshin-maru No.2, il semble que le gouvernement australien a négocié leur libération avec les autorités japonaises. Toutefois, l'Institut japonais de recherche sur les cétacés (ICR) a posé comme condition à Sea Shepherd que ces derniers n'attaquent pas le navire nippon lors du transfert des deux hommes. Le président de l'ONG, Paul Watson ayant refusé cette condition, les deux hommes sont encore gardés à vue sur le Yûshin-maru No.2 et il est fort probable qu'à la demande de l'ICR, un navire australien, sans doute l'Oceanic Viking, viennent récupérer les deux activistes.

Le Professeur Sam Bateman, spécialiste australien en droit maritime, a déclaré que les deux membres de Sea Shepherd avaient commis un acte de piraterie et que les Japonais avaient par conséquent tout à fait le droit de les garder en détention.

Selon l'ICR, les deux hommes sont bien traités et se sont vu servir les mêmes repas que les membres d'équipage japonais, bien qu'ils aient refusé de manger toute nourriture d'origine animale. En outre, les deux activistes de Sea Shepherd avaient des sacs à dos contenant des vêtements de rechange et autres effets lorsqu'ils sont montés illégalement à bord du Yûshin-maru No.2, laissant présumer qu'ils avaient l'intention dès le début de rester à bord du baleinier japonais. Il est donc fort probable que cet abordage a été prémédité par Sea Shepherd pour obtenir l'attention des médias et ainsi se faire de la publicité. (Photo: ICR)

Mise à jour 3 (18 janvier 2008, 9h00 heure japonaise) :
Les deux activistes de l'ONG anti baleinière Sea Shepherd qui étaient montés illégalement à bord du baleinier japonais Yûshin-maru No.2 ont été remis aujourd'hui au navire des douanes australiennes Oceanic Viking.

Mise à jour 4 (18 janvier 2008, 19h15 heure japonaise) :
Les deux membres de Sea Shepherd sont retournés sur le navire de cette ONG, le Steve Irwin. Sea Shepherd a de nouveau attaqué un navire de la flotte japonaise, le Yûshin-maru No.3.
L'Institut japonais de recherche sur les cétacés a aujourd'hui rendu publiques des vidéos montrant l'attaque du Yûshin-maru No.2 par les activistes de Sea Shepherd le 15 janvier dernier. Voici l'une des deux vidéos :



On peut y constater que les hommes à bord du zodiac de Sea Shepherd lancent des objets en direction du baleinier japonais (d'où la scène est filmée). Il s'agit de bouteilles en verre contenant de l'acide butyrique.
D'autres vidéos démontrant les activités illégales de Sea Shepherd et les mensonges de Paul Watson sont disponibles ici.
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samedi, janvier 12, 2008

Greenpeace localise la flotte japonaise en Antarctique

Bien qu'il ne ce soit pas passé grand chose ces derniers jours, il y a eu beaucoup d'articles dans les médias australiens et anglophones à propos du programme de recherche japonaise sur les cétacés en Antarctique.

Tout d'abord, le nouveau gouvernement travailliste australien a été vivement critiqué lorsqu'il s'est avéré que ni le navire des douanes, ni l'avion de reconnaissance n'avaient pris leur départ vers l'Antarctique pour surveiller les activités de la flotte japonaise. Ce n'est finalement que mardi dernier (le 8 janvier) que l'Oceanic Viking a quitté le port de Fremantle. Il lui faudra au moins une semaine pour atteindre la zone où les navires du programme JARPA2 effectuent leurs activités.

Un autre sujet de critique et coup dur pour la crédibilité du gouvernement de Kevin Rudd est l'annonce que le programme de recherche australien sur les cétacés en Antarctique a été annulé pour cette saison. L'objectif était de survoler à basse altitude les eaux au large du continent antarctique avec des avions pour comptabiliser les rorquals de Minke et ainsi démontrer que la recherche sur les cétacés pouvait se faire sans tuer d'animaux. L'annulation est, semble-t'il, due à un retard dans l'obtention de l'autorisation de survoler la zone de recherche.
Cependant, on est en droit de se demander pourquoi les gouvernement australiens n'ont jamais lancé ce genre de programmes de recherche sur les cétacés depuis les quelques vingt ans que le Japon conduit les siens en Antarctique. Les politiciens australiens oublient également de préciser que les programmes japonais comportent également la collecte de données par le biais de de méthodes dites non létales et que deux des six navires de la flotte JARPA2 sont des bateaux d'observation.

Une information est passée complètement inaperçue le mois dernier. C'est le départ depuis le port australien de Fremantle d'un navire affrété pour les programmes de recherche sur les cétacés (IDCR/SOWER) de la Commission baleinière internationale. Ce navire et son équipage sont mis à la disposition de la CBI par le gouvernement du Japon. L'objectif de la recherche entreprise par le Comité scientifique de la CBI et à laquelle participe une équipe de chercheurs internationales (dont des scientifiques japonais) est d'observer les cétacés en Antarctique pour en établir les populations. Quand on considère que, malgré leur proximité de la zone de recherche, les gouvernements australien et néozélandais ne contribue que peu à cette recherche sur les cétacés, on peut se dire qu'il ne se sentent pas très concernés par les travaux de la CBI.

La publication sur Youtube d'une vidéo critiquant l'Australie pour son traitement des dingos et des kangourous d'une part, et de la chasse à la baleine japonaise d'autre part, a fait beaucoup de remous dans ce premier pays. Le gouvernement australien a dénoncé cette vidéo d'environ 10 minutes comme étant une tentative des baleiniers japonais de forcer le gouvernement de Kevin Rudd à changer sa position sur la question de la chasse à la baleine.
C'est beaucoup de bruit pour pas grand chose, mais personnellement, je trouve cette vidéo de mauvais goût et condamne encore plus les messages racistes qui ont été postés à sa suite sur Youtube. La chasse à la baleine est devenue un problème où les émotions prennent le dessus sur la reflexion et le dialogue entre les parties. Le gouvernement de Kevin Rudd a d'ailleurs lui-aussi sa part de responsabilité puisque certains de ses membres ont qualifié la chasse à la baleine de "pratique insensée et brutale". J'imagine que les chasseurs de baleines inuits et tchoukotki apprécieront le commentaire.


Finalement, comme l'indique le titre, le navire que Greenpeace a envoyé en Antarctique, l'Esperanza a réussi à localiser la flotte japonaise dans la nuit du 11 au 12 janvier. On peut donc s'attendre aux même actions de protestation dangereuses qu'il y a deux ans lors desquelles un navire de cette ONG avait provoqué, entre autres, une collision avec le navire-usine japonais Nisshin-maru. Cependant, les actions de Greenpeace ne permettront probablement pas de sauver la moindre baleine comme il le prétendent, mais ont plutôt pour but de recueillir des images pour de futures campagnes médiatiques.
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samedi, janvier 05, 2008

"Kujiragami", la chasse à la baleine à Ikitsuki

Pour illustrer ce que j'ai dit dans "L'histoire de la chasse à la baleine au Japon - 4" et sur l'organisation des kujiragumi, je vous propose un autre article du Yomiuri shinbun daté d'octobre 2004.

"
Kujiragami" - Ikitsuki, département de Nagasaki
Yomiuri, le 15 octobre 2004

Kujiragami
Œuvre de Uno Kôichirô (1934-), lauréat du 46e prix de littérature Akutagawa (1961). Une jeune homme dont le grand-père, le père et le frère aîné ont été tués par une gigantesque baleine appelée "kujiragami" (la baleine-dieu), affronte cette créature à plusieurs reprises.

La base d'opération du kujiragumi qui a capturé 20.000 baleines

Le typhon qui approche assombrit les eaux bleu foncé et agite violemment la surface de la mer. Près des pêcheurs qui retendent les amarres de leurs bateaux, un chat court se réfugier vers un camion garé dans le port.

Uno Kôichirô est un auteur lauréat du prix Akutagawa. L'œuvre qui lui a permis de remporter ce prix est Kujiragami. J'ai visité l'île d'Ikitsuki où prend place cette histoire acharnée de trois générations de baleiniers.

Du milieu de la période d'Edo au début de l'ère Meiji, le plus important kujiragumi du Japon, le clan Masutomi était basé ici. Les kujiragumi sont pour ainsi dire des organisations de pêche. Le clan Masutomi avait également créé des bases sur l'île d'Iki, sur les îles Gotô, à Yobuko (département de Saga) et à Senzaki (département de Yamaguchi). A son apogée, il comptait quelques 3000 baleiniers et 200 bateaux. Il aurait capturé en tout plus de 20.000 baleines jusqu'à la fin de ses activités.

La baie de "Wada sur l'île de Hirado, dans la province de Hizen" qui apparait dans Kujiragami, n'existe pas en réalité. Il existe néanmoins un port baleinier du nom de Wada-ura dans le département de Chiba.

"Il s'agit sans doute d'un lieu imaginaire créé en mélangeant Wada et Ikitsuki".

C'est l'hypothèse qu'émet Nakazono Shigeo, conservateur au musée municipal d'Ikitsuki, Shima no Yakata, qui se trouve sur une coline surplombant la mer.

Ouvert il y a neuf ans, le musée présente l'histoire baleinière de la ville en exposant écrits, outils de chasse et panneaux.

Respect pour les "isanatori" (baleiniers)

Outre Kujiragami, il existe un autre roman qui s'inspire de la chasse à la baleine à Ikitsuki. C'est Isanatori de Kôda Rohan (1867-1947).

"Je n'ai jamais entendu dire que Rohan ou Uno s'étaient rendu à Ikitsuki. Il est probable qu'ils aient écrit leurs œuvres en se basant sur des rouleaux peints".

(Photo : La chasse côtière à la baleine a longtemps été pratiquée près de Hirado (photo du début de l'ère Shôwa - crédit : Ville d'Ikitsuki).)

Le musée détient le rouleau peint intitulé Isanatori ekotoba (1829) datant de la fin de la période d'Edo.

Il s'agit de vingt-deux estampes représentant la chasse à la baleine du clan Masutomi. Les espèces de baleines et la façon de les dépecer y sont décrites en détail. On aurait retrouvé que quatre ou cinq exemplaires de cet ouvrage au Japon.

Les baleines harponnées et prises dans les filets, les bateaux à bords desquels se trouvent des hommes. Les baleines remorquées vers la côte puis dépecées, le bord de mer où s'affairent les hommes. Les gigantesques baleines et les hommes qui à côté ressemblent à des fourmis.

"La mer est agitée comme lors d'une tempête du fait du monstre qui se débat et se retourne sur lui-même. Tout en étant balancées presqu'au point de chavirer, les baleinières lancent tour à tour leurs harpons contre le mur noir qui se dresse face à eux, et bientôt, d'épais caillots de sang se mêlent à la pluie qui coule à verses".

C'est ainsi qu'Uno décrit la violence de la chasse dans Kujiragami.

"Six cents baleiniers poursuivaient une baleine. Ils la chassaient vers les filets déployés en trois épaisseurs et lançaient leurs harpons les uns après les autres. Lorsque l'animal était quasiment mort, un leader appelé "hazashi" plongeait et montait sur le dos de la baleine, puis en perforait évent pour y faire passer une corde", explique M. Nakazono.

Lorsque l’on songee à ces combats frénétiques entre baleines et humains, on ne peut que ressentir qu'un profond respect pour ces hommes bien sûr, mais aussi pour les baleines.

Des chrétiens cachés également

En marchant un peu le long d’un chemin en pente depuis le port de pêche, on trouve une imposante demeure entourée d’un mur en pierre. Il s’agit de la maison bâtit en 1848 où les chefs du clan Masutomi ont résidé de génération en génération.

(Photo : Maison des Masutomi, héritiers des techniques de chasse baleinière.)

En septembre de cette année (ndt : 2004), cette demeure a fait l’objet d’un rapport et devrait être prochainement enregistré au patrimoine culturel tangible national. M. Masutomi Tetsurô (68 ans) qui réside actuellement à Fukuoka, retourne occasionnellement dans cette maison. Il était présent le jour où je me suis rendu à Ikitsuki.

Les Masutomi ont occupé la fonction de dirigeant du kujiragumi durant sept générations depuis la période d’Edo. M. Masutomi Tetsurô fait partie de la onzième génération, soit quatre générations après le dernier dirigeant.

"Il y avait de nombreux chrétiens dans le kujiragumi, mais les autorités étaient indulgentes car leur oppression aurait nuit à la capture des baleines et donc aux revenus du fief de Hirado. Ce genre de circonstances expliquent en partie l’existence des chrétiens cachés."

Shaki, le personnage principal de Kujiragami se prosterne devant le sanctuaire où est célébré le dieu des océans. Toutefois, une statuette de la Vierge Marie y était conservée.

M. Masutomi est le président de l’Association de préservation des chants baleiniers d’Ikitsuki.

-Iwai medeta no Wakamatsu-sama yo / Eda mo sakaete ha mo shigeru / Sankokuichi ja / O-iwaitori sumaso -

Il continue d’enseigner les anciens chants aux enfants d’Ikitsuki. "Cependant, il n’y a plus de danse. Il ne reste plus personne qui les connaît aujourd'hui", explique M. Masutomi.

La plage où se trouvait les ateliers de dépeçage et l’endroit où on faisait sécher les filets, est devenue un lieu de baignade. Petit à petit, une culture s’érode. (Kido Takashi)


*****************Fin de l'article*********************

Commentaires personnels :
- Tout comme l'indique l'article, le clan Masutomi 益冨組 était la plus grande organisation de chasse à la baleine du Japon à la période d'Edo. Il dirigeait en réalité plusieurs groupes (kujiragumi) œuvrant en divers endroit de la région du Saikai (Nord-ouest de l'île de Kyûshû et Ouest de celle de Honshû). Les activités du clan Masutomi dépassait les frontières du fief (han 藩) de Hirado où se situait le siège du clan. J'ai d'ailleurs commencé de lire un livre à ce sujet, Hansai hogei-gyô no tenkai - Saikai hogei to Masutomi-gumi 藩際捕鯨業の展開-西海捕鯨と益冨組 (2004) de Sueta Tomoki. J'essaierai d'en faire un résumé à l'occasion.

- La résidence des Masutomi a été enregistrée au patrimoine culture tangible national (japonais) le 29 novembre 2004. Les bâtiments enregistrés sont la demeure principale (omoya 主屋), la salle de réception (zashiki 座敷), le sanctuaire Ebisu-jinja 恵美須神社 et la porte Onari-mon 御成門.

- L'article mentionne les chrétiens cachés (kakure-kirishitan 隠れキリシタン) qui semble-t'il, étaient nombreux dans les îlots du Nord-ouest de Kyûshû, notamment Ikitsuki et les îles Gotô. Le musée Shima no yakata évoqué dans l'article présente également l'histoire et la culture des chrétiens cachés. Ne maîtrisant pas ce sujet, je me garde de faire tout commentaire sur les kakure-kirishitan, mais si un lecteur dispose d'informations sur ce que M. Masutomi Tetsurô dit quant au rôle de ces chrétiens dans les kujiragumi, je suis preneur.

- Je n'ai pas encore eu l'occasion de me rendre à Ikitsuki, mais cette une région que j'aimerais vraiment visiter, ne serait-ce pour assister à une représentation de chants baleiniers de l'Association de préservation des chants baleiniers d’Ikitsuki (Ikitsuki isanatori-uta hozon-kai 生月勇魚捕唄保存会). Si cela se réalise, je mettrai une vidéo de ces chants.

- L'ouvrage dont il est fait mention dans l'article, l'Isanatori ekotoba 勇魚取絵詞, a été réalisé par le clan Masutomi. Les illustrations que j'ai utilisé pour présenter l'organisation des kujiragumi proviennent de cet ouvrage. L'Association baleinière du Japon (Japan Whaling Association) et l'Institut japonais de recherche sur les cétacés (Institute of Cetacean Research) ont publié un livret illustré à ce sujet en 2004.

Mise à jour (29 février 2008) :
Selon le quotidien japonais Mainichi, la préfecture de Nagasaki aurait désigné la demeure des Masutomi en tant que patrimoine culturel.
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mardi, janvier 01, 2008

Le Japon suspend la capture des baleines à bosse

Tout d'abord, je tiens à souhaiter une très bonne et heureuse année 2008 à tous mes lecteurs. C'est la troisième année pour ce blog et j'espère pouvoir continuer d'y apporter des informations sur l'histoire de la chasse à la baleine au Japon et sur les coutumes héritées de cette pratique dans l'archipel, tout en commentant l'actualité baleinière.

Pour l'instant, je tiens à faire à le tour des événements qui se sont déroulés récemment quant à la 3e campagne du programme de recherche japonais sur les cétacés en Antarctique (JARPA2).

Le départ des navires s'est fait les 14 et 18 novembre derniers depuis les ports de Shiogama et de Shiminoseki. La flotte est composées de 6 bateaux : un navire-usine (Nisshin-maru), trois baleiniers (Yûshin-maru 1, 2 et 3) et navires d'observation (Kyôshin-maru 2 et Kaikô-maru).
Le programme JARPA2 a pour objectifs (1) le monitorage de l'écosystème de l'Antarctique, (2) la construction d'un modèle de concurrence entre espèces de cétacés (3) l'élucidation des changements spatio-temporels dans la structure des populations et (4) l'amélioration de la procédure de gestion des populations de rorquals de Minke antarctiques (balaenoptera bonaerensis).
Outre la capture de 850 (+/- 10%) rorquals de Minke antarctiques, 50 rorquals communs et 50 baleines à bosse, ce programme prévoit également la collecte de données par le biais de méthodes dites non-létales telles que l'observation des baleines ou les prélévements par biopsie. Le retour de la flotte au Japon est prévu à la mi-avril.

En fait, le Japon a récémment suspendu la capture de 50 baleines à bosse dans le cadre du programme JARPA2. Contrairement à ce qui a pu être annoncé dans les médias occidentaux ou par des ONG opposées à la chasse baleinière, cette décision du Japon n'est pas due aux protestations des pays anti-chasse comme l'Australie, mais le résultats de négociations entre le président actuel de la CBI, l'Américain William Hogarth et l'Agence japonaise pour les pêches. M. Hogarth aurait demandé au Japon de ne pas prélever de baleines à bosse durant les une ou deux années qui viennent et durant lesquelles il va s'efforcer de normaliser la CBI et de la ramener à son mandat qui est "de permettre la conservation des cétacés pour rendre possible le développement ordonné de l'industrie baleinière". Des discussions à ce sujet doivent avoir lieu en mars prochain à Londres.

Le gouvernement australien a envoyé un navire des douanes, l'Oceanic Viking, dans l'océan Austral pour monitorer les activités de la flotte japonaise. De même, un Airbus A319 de la Division de recherche sur l'Antarctique pourrait surveiller les navires nippons depuis le ciel afin de mettre la pression sur le Japon pour qu'il abandonne son programme de recherche sur les cétacés en Antarctique. Le gouvernement australien a cependant refusé de dire si l'Oceanic Viking ou l'A319 étaient entrés en contact avec les bateaux japonais.

Récemment, un écologiste australien renommé, le Professeur Tim Flannery de l'Australian Museum de Sydney aurait déclaré que la capture de 935 rorquals de Minke antarctiques par le Japon ne devrait pas poser de problème pour cette population de cétacés. Tim Flannery, élu Australien de l'année 2007 et scientifique émérite, aurait ajouté qu'il y avait de bien plus importants problèmes que celui de la chasse des rorquals de Minke par les Japonais. Cette déclaration semble faire du remou parmi les opposants à la chasse à la baleine.

Mise à jour (2 janvier 2008) :
J'ai trouvé des informations complémentaires sur Tim Flannery. En 2003, il aurait publié un article intitulé Beautiful Lies - Population and Environment in Australia pour la revue Quaterly Essay. Dans cet article, Flannery critique le mouvement anti-chasse à la baleine, estimant que ce dernier "bloque la développement d'une industrie durable basée sur la chasse des baleines et donc la bonne gestion de ressources marines".
Il ajoute que selon lui, "les Japonais ont raison et qu'ils essayent en fait de créer une industrie baleinière durable".

En avril 2003, lors d'une interview pour la station de radio australienne ABC, il aurait également souligné : "la question d'arrêter la chasse à la baleine n'a plus réellement de fondements écologiques actuellement. Les gens investissent beaucoup de temps et d'énergie à protéger les baleines contre la chasse, ce qui n'a quasiment aucun retour sur le plan de l'environnement."

Mise à jour (4 janvier 2008) :
Il semble que le navire des douanes et l'avion que le gouvernement avait annoncé vouloir envoyer en Antarctique pour surveiller les activités de la flotte baleinière japonaise, ne soient pas encore partis si l'on en croit cette article d'un quotidien australien. Apparemment, l'Airbus A-319 a besoin d'une autorisation de la CASA (Civil Aviation Safety Authority) pour effectuer des vols de surveillance. L'Oceanic Viking ne partira probablement pas tant que la flotte japonaise n'aura pas été localisée par l'avion.
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