lundi, juillet 19, 2010

"Des milliers de rorquals de Minke pourraient être capturés durablement dans l'océan Austral"

Cette phrase n'est pas de moi. C'est ce que Monica Medina, la commissaire américaine à la CBI, a déclaré lors d'une audience à la Chambre des représentants des Etats-Unis (l'équivalent américain de l'Assemblée nationale). Cette audience a eu lieu le 6 mai 2010 et avait pour thème le "leadership des Etats-Unis à la Commission baleinière internationale". Les discussions portaient particulièrement sur la proposition du président de la CBI, Cristian Maquieira, principal enjeu de la 62e réunion plainière de la CBI.

Un enregistrement vidéo et une transcription de l'audience peuvent être trouvés sur le site de la Chambre des représentants des Etats-Unis (ici). La phrase de Mme Medina est en réponse à une question sur les quotas que le Japon se verrait octroyer dans l'océan Austral dans la proposition de Maquieira. Voici le passage en question (avec traduction entre parenthèses) :

Ms. MEDINA. The numbers in the southern ocean that we are talking about in the chair’s proposal, which again we haven’t agreed to yet, we don’t think it is acceptable, are below sustainable. Well below.
(Les nombres pour l'océan Austral dont nous parlons dans la proposition du président [de la CBI], et qui n'ont pas encore été acceptés, nous ne pensons pas que ce soit acceptable, sont bien en dessous de ce qui serait durable. Bien en dessous.)
Mr. FLAKE. How much? Can you give me some idea?
(A quel point ? Pouvez-vous me donner une idée ?)
Ms. MEDINA. I think by a lot. I mean, there could be thousands harvested sustainably in the southern ocean.
(Je pense de beaucoup. Je veux dire que des milliers [de rorquals de Minke antarctiques] pourraient être capturés durablement dans l'océan Austral.)


Monica Medina explique ensuite que les Etats-Unis s'opposent à ces quotas car il y a un sanctuaire baleinier dans cette partie du monde, mais elle oublie de préciser que ledit sanctuaire est une mesure temporaire (de la même façon que le fameux "moratoire") et que le Japon a fait objection à ce sanctuaire en ce qui concerne les rorquals de Minke antarctiques (Balaenoptera bonaerensis). Rappelons également que la chasse scientifique est également exempte de toutes mesures de conservations adoptées par la CBI (article 8 de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine).

Au sujet des programmes de recherche japonais, il est d'ailleurs intéressant de citer ce que David A. Balton, du Bureau des océans et des affaires environnementales et scientifiques internationales du Département d'État des États-Unis, quelques lignes plus bas :

Mr. FLAKE. And if asked, what do they say, in terms of the sci- entific justification for taking so many whales? What is the stock answer there?
(Et lorsqu'on leur demande, que [les Japonais] répondent-ils, en termes de justification scientifique pour capturer tant de baleines ? Quelle est la réponse classique ?)
Ambassador BALTON. Japan does perform scientific research on the whales they take, and probably have the best whale science as a result. But it is also true that the products of the research have been sold on the open market.
(Le Japon effectue de la recherche scientifique sur les baleines qu'ils prennent, et ont probablement la meilleure connaissance scientifique sur les cétacés de ce fait. Il est toutefois également vrai que les produits de la recherche ont été vendus sur le marché ouvert.)


Oui, vous avez bien lu : Le Japon fait bien de la recherche sur les cétacés et est même à la pointe dans ce domaine !!
La deuxième partie de la réponse de M. Balton ne précise pas que "toute baleine capturée dans le cadre de ces permis spéciaux devra autant que faire se peut, être exploitée et les produits ainsi obtenus devront être traités conformément aux directives émises par le gouvernement signataire qui a accordé le permis", comme précisé dans l'article 8 de la Convention.

Ce qui est le plus important, c'est que même les représentants d'un pays opposé à la chasse à la baleine (sauf celle de ces communautés indigènes d'Alaska), reconnaissent que la chasse baleinière peut être conduite de façon durable dans l'océan Austral et que le Japon conduit effectivement des recherches scientifiques.
Il ne reste plus qu'à ce pays à être honnête lors des réunions de la CBI et d'informer sa situation sur la réalitié de la chasse à la baleine...lire la suite>>

mercredi, juillet 14, 2010

62e réunion de la Commission baleinière internationale

Les 88 pays membres de la Commission baleinière internationale (CBI) se sont réuni à Agadir (Maroc) du 21 au 25 juin derniers pour la 62e réunion plénière de cet organisme international. Le principal enjeu de cette année était une proposition faite par le président de la Commission, le Chilien Cristian Maquieira, qui devait permettre aux pays pro-utilisation durable et pays anti-baleiniers de trouver un compromis sur plusieurs questions controversées de la gestion des populations de cétacés et de leur chasse. Cette tentative a échoué, notamment dû au manque de volonté des pays anti-chasse d'accepter le moindre compromis.

Cristian Maquieira, très critiqué dans son pays pour la proposition qu'il avait préparée, était le grand absent de cette réunion. En son absence, c'est le vice-président de la CBI, Anthony Liverpool de Saint-Christophe-et-Niévès, qui dirigeait les débats. Ce dernier a d'ailleurs choisi d'interrompre la réunion dès le premier jour afin de permettre aux pays membres, répartis en plusieurs groupes de discussions, de débattre à huis clos du contenu de la proposition et de trouver un consensus. Ces discussions ont continué jusqu'au jour suivant, le 22 juin, mais n'ont pas permis de trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties.

Le processus de discussions dont cette proposition était le résultat a commencé, rappelons-le, trois ans auparavant sous l'impulsion du président précédent, l'Américain William Hogarth. Un petit groupe de travail (Small working group) avait été créé en 2008 afin d'"arriver à une solution de consensus sur les principales questions auxquels la Commission est confrontée et ainsi lui permettre de mieux remplir son rôle à l'égard de la conservation des stocks de baleines et la gestion de la chasse. La principale tâche du groupe de travail à cet égard est de faire un grand effort pour développer une ou des propositions pour que la Commission puisse les examiner". L'année suivante, une autre groupe, plus petit, avait été mis en place pour faciliter les discussions. Vous pouvez retrouvez l'évolution de ce processus sur le site web de la CBI ici (en anglais).

On peut dont dire que cette proposition du président de la CBI était un compromis entre les positions des pays pro-usage durable et anti-baleiniers. A noter que l'Australie avait émis unilatéralement une proposition impliquant un arrêt total de la chasse à la baleine, scientifique ou commerciale, allant donc à l'encontre à l'esprit de discussion et de compromis du processus en cours. Cette attitude négative a d'ailleurs été confirmée par la décision du premier ministre australien (à l'époque), Kevin Rudd, de porter plainte contre le Japon pour son programme de recherche sur les cétacés dans l'Océan austral auprès de la Cour internationale de Justice. Cette décision purement politique a toutefois de fortes chances d'échouer du fait que ledit programme scientifique japonais est conduit en accord de l'article 8 de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, le texte fondateur de la CBI. En fait, ce procès, s'il a bien lieu, pourrait à mon avis renforcer la position du Japon.

La proposition de Maquieira induisait notamment, et ce de façon assez contradictoire, de conserver le moratoire sur la chasse commerciale et le sanctuaire de l'Océan austral tout en établissant des quotas de chasse pour dix ans, inférieurs à ceux pratiqués actuellement. Ainsi, le Japon voyait ses quotas de chasse en Antarctique réduits environ de moitié (400 rorquals de Minke antarctiques et 10 rorquals communs contre respectivement 850 et 50) sur les cinq premières années, puis encore de moitié (respectivement 200 et 5) les cinq suivantes, en échange d'un quota de chasse côtière de 120 rorquals de Minke pour les communautés baleinières japonaises. De même, l'Islande et la Norvège acceptaient de diminuer leurs quotas de chasse commerciale (légale en vertu d'objections au moratoire). Par ailleurs, les pays pro-utilisation durable acceptaient la création d'un nouveau sanctuaire baleinier dans l'Atlantique sud.

Le Japon avait certes quelques réserves quant au nombre de 200 rorquals de Minke antarctiques sur la deuxième moitié de la période de 10 ans, mais il était prêt à accepter cette proposition. De même, certains pays anti-chasse tels que les Etats-Unis ou la Nouvelle Zélande était clairement en faveur de ce compromis qui devait permettre à la CBI de reprendre le contrôle de la gestion de la chasse à la baleine, et donc sauver cet organisme. Il faut toutefois souligner que cette proposition ignorait complètement le droit international -- la Convention même de la CBI -- et la science puisque les quotas n'étaient pas basés sur les travaux du comité scientifique de la CBI et probablement bien en dessous de ce que la procédure de gestion révisée (Revised Management Procedure, RMP) aurait permis.

Cependant, et ce malgré les concessions que les pays baleiniers étaient prêts à faire, la proposition du président de la CBI n'a pas pu être adoptée, notamment du fait de l'intransigeance de pays (et indirectement d'ONG) opposés à toute chasse commerciale comme l'Australie, la plupart des pays de l'UE et diverses nations d'Amérique latine (dont le Chili, pays de Cristian Maquieira), démontrant une fois de plus leur incapacité à accepter le moindre compromis. La CBI a décidé de continuer les discussions, sur la base du texte mis au point par Maquieira, mais il y a fort à parier que le processus est désormais sérieusement compromis.

La Commission baleinières internationale est dans une situation de paralysie depuis plus de 20 ans, étant incapable de gérer effectivement la chasse à la baleine. Ces vingt et quelques années représentent un immense gâchis d'énergie et d'argent pour toutes les parties de cet organisme. Le Japon et les autres pays favorables à l'exploitation durable des baleines en tant que ressources marines naturelles et renouvelables auront, il faut l'espérer, tiré les leçons des échecs des discussions auxquelles ils ont participé en bonne foi jusqu'à présent. Je pense personnellement que la CBI est irrémédiablement perdue et que ces pays n'auront pas d'autre choix que de créer un nouvelle organisation de conservation des cétacés et de gestion de leur chasse.

Concernant la 62e réunion de la CBI, je vous invite également à lire l'excellent article écrit à ce sujet par David@Tokyo.
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