mercredi, juillet 14, 2010

62e réunion de la Commission baleinière internationale

Les 88 pays membres de la Commission baleinière internationale (CBI) se sont réuni à Agadir (Maroc) du 21 au 25 juin derniers pour la 62e réunion plénière de cet organisme international. Le principal enjeu de cette année était une proposition faite par le président de la Commission, le Chilien Cristian Maquieira, qui devait permettre aux pays pro-utilisation durable et pays anti-baleiniers de trouver un compromis sur plusieurs questions controversées de la gestion des populations de cétacés et de leur chasse. Cette tentative a échoué, notamment dû au manque de volonté des pays anti-chasse d'accepter le moindre compromis.

Cristian Maquieira, très critiqué dans son pays pour la proposition qu'il avait préparée, était le grand absent de cette réunion. En son absence, c'est le vice-président de la CBI, Anthony Liverpool de Saint-Christophe-et-Niévès, qui dirigeait les débats. Ce dernier a d'ailleurs choisi d'interrompre la réunion dès le premier jour afin de permettre aux pays membres, répartis en plusieurs groupes de discussions, de débattre à huis clos du contenu de la proposition et de trouver un consensus. Ces discussions ont continué jusqu'au jour suivant, le 22 juin, mais n'ont pas permis de trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties.

Le processus de discussions dont cette proposition était le résultat a commencé, rappelons-le, trois ans auparavant sous l'impulsion du président précédent, l'Américain William Hogarth. Un petit groupe de travail (Small working group) avait été créé en 2008 afin d'"arriver à une solution de consensus sur les principales questions auxquels la Commission est confrontée et ainsi lui permettre de mieux remplir son rôle à l'égard de la conservation des stocks de baleines et la gestion de la chasse. La principale tâche du groupe de travail à cet égard est de faire un grand effort pour développer une ou des propositions pour que la Commission puisse les examiner". L'année suivante, une autre groupe, plus petit, avait été mis en place pour faciliter les discussions. Vous pouvez retrouvez l'évolution de ce processus sur le site web de la CBI ici (en anglais).

On peut dont dire que cette proposition du président de la CBI était un compromis entre les positions des pays pro-usage durable et anti-baleiniers. A noter que l'Australie avait émis unilatéralement une proposition impliquant un arrêt total de la chasse à la baleine, scientifique ou commerciale, allant donc à l'encontre à l'esprit de discussion et de compromis du processus en cours. Cette attitude négative a d'ailleurs été confirmée par la décision du premier ministre australien (à l'époque), Kevin Rudd, de porter plainte contre le Japon pour son programme de recherche sur les cétacés dans l'Océan austral auprès de la Cour internationale de Justice. Cette décision purement politique a toutefois de fortes chances d'échouer du fait que ledit programme scientifique japonais est conduit en accord de l'article 8 de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, le texte fondateur de la CBI. En fait, ce procès, s'il a bien lieu, pourrait à mon avis renforcer la position du Japon.

La proposition de Maquieira induisait notamment, et ce de façon assez contradictoire, de conserver le moratoire sur la chasse commerciale et le sanctuaire de l'Océan austral tout en établissant des quotas de chasse pour dix ans, inférieurs à ceux pratiqués actuellement. Ainsi, le Japon voyait ses quotas de chasse en Antarctique réduits environ de moitié (400 rorquals de Minke antarctiques et 10 rorquals communs contre respectivement 850 et 50) sur les cinq premières années, puis encore de moitié (respectivement 200 et 5) les cinq suivantes, en échange d'un quota de chasse côtière de 120 rorquals de Minke pour les communautés baleinières japonaises. De même, l'Islande et la Norvège acceptaient de diminuer leurs quotas de chasse commerciale (légale en vertu d'objections au moratoire). Par ailleurs, les pays pro-utilisation durable acceptaient la création d'un nouveau sanctuaire baleinier dans l'Atlantique sud.

Le Japon avait certes quelques réserves quant au nombre de 200 rorquals de Minke antarctiques sur la deuxième moitié de la période de 10 ans, mais il était prêt à accepter cette proposition. De même, certains pays anti-chasse tels que les Etats-Unis ou la Nouvelle Zélande était clairement en faveur de ce compromis qui devait permettre à la CBI de reprendre le contrôle de la gestion de la chasse à la baleine, et donc sauver cet organisme. Il faut toutefois souligner que cette proposition ignorait complètement le droit international -- la Convention même de la CBI -- et la science puisque les quotas n'étaient pas basés sur les travaux du comité scientifique de la CBI et probablement bien en dessous de ce que la procédure de gestion révisée (Revised Management Procedure, RMP) aurait permis.

Cependant, et ce malgré les concessions que les pays baleiniers étaient prêts à faire, la proposition du président de la CBI n'a pas pu être adoptée, notamment du fait de l'intransigeance de pays (et indirectement d'ONG) opposés à toute chasse commerciale comme l'Australie, la plupart des pays de l'UE et diverses nations d'Amérique latine (dont le Chili, pays de Cristian Maquieira), démontrant une fois de plus leur incapacité à accepter le moindre compromis. La CBI a décidé de continuer les discussions, sur la base du texte mis au point par Maquieira, mais il y a fort à parier que le processus est désormais sérieusement compromis.

La Commission baleinières internationale est dans une situation de paralysie depuis plus de 20 ans, étant incapable de gérer effectivement la chasse à la baleine. Ces vingt et quelques années représentent un immense gâchis d'énergie et d'argent pour toutes les parties de cet organisme. Le Japon et les autres pays favorables à l'exploitation durable des baleines en tant que ressources marines naturelles et renouvelables auront, il faut l'espérer, tiré les leçons des échecs des discussions auxquelles ils ont participé en bonne foi jusqu'à présent. Je pense personnellement que la CBI est irrémédiablement perdue et que ces pays n'auront pas d'autre choix que de créer un nouvelle organisation de conservation des cétacés et de gestion de leur chasse.

Concernant la 62e réunion de la CBI, je vous invite également à lire l'excellent article écrit à ce sujet par David@Tokyo.

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